Un peu d'histoire


La laïcité, principe constitutionnel de la République, est un principe fondateur de l'enseignement public français (lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886), renforcé par la loi de séparation de l'église et de l'Etat (9 décembre 1905).
Un certain nombre de lois (Marie, Barangé, Debré, Guermeur...) connues sous le terme de "lois anti-laïques" ont permis et encouragé le développement des écoles et établissements privés.

article 4 de la Constitution de 1791:
"Il sera créé et organisé une instruction publique, commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes"
le 21 janvier 1793,
L'Assemblée décide de maintenir à son ordre du jour "les finances, la guerre et l'organisation de l'instruction publique"
le 30 mai 1793 est voté le premier décret organisant l'école primaire.
L'état abandonne les instituteurs aux administrations communales par la loi du 3 brumaire an III. Il faudra attendre plus d'un siècle pour retrouver les grandes idées préconisées par la révolution. Malgré tout, les bases de l'école publique ont été posées. Grégoire, Vergnaud, Danton, Robespierre, Saint-Just sont tous d'accord pour affirmer la priorité de l'éducation et d'abord de l'école primaire. Les grands principes se sont précisés:

gratuité - Talleyrand demande que l'école reçoive gratuitement les élèves de 6 à 13 ans.  L'idée de gratuité est également chez Condorcet dans tous les projets conventionnels. (voir Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique ) laïcité - La nécessité de laïcité, de neutralité est formulée avec force par Condorcet, puis Romme.
Condorcet
obligation - Les premiers projets n'osent pas l'imposer puisque l'état ne peut garantir les familles pauvres contre le manque à gagner des enfants. On ne parle donc au début que de l'obligation pour les municipalités de créer des écoles primaires. C'est Lepelletier qui ira le plus loin et démontrera que tout demande cette obligation; mais il en reporte à plus tard l'application, qui sera alors assortie de peines contre les parents récalcitrants.
Napoléon Bonaparte engagera un recul en signant, en 1801, le Concordat avec le Vatican. Le catholicisme devient "religion de la grande majorité des citoyens français", aussi, l’Etat verse-t-il un traitement aux évêques et aux curés. Notons que c’est ce régime qui perdure en Alsace et en Moselle (puisqu’elles n’étaient pas françaises lors de la loi de 1905). Par la suite, malgré un combat permanent, surtout autour de l’enseignement, la constitution voguera du catholicisme religion d’Etat à l’affirmation de la liberté de culte.
1833, une loi importante
La loi votée le 28 juin 1833 prévoit qu'il y aura une école par commune de plus de 500 habitants. Ce sont toujours les communes qui rémunèrent les instituteurs. Les programmes intègrent l'éducation morale et religieuse, l"arpentage, le chant, des notions scientifiques de bases, des éléments d'histoire et géographie. Cette loi est en retrait par rapport aux projets de la révolution mais néanmoins en progrès sur la situation antérieure. Victor Cousin rapportant la loi devant la Chambre, disait: "c'est le devoir et l'intérêt de l'Etat d'assurer l'instruction du peuple et de lui donner la fixité et la dignité d'un service public régulier". Signe de la manière dont la réforme était reçue, les catholiques engagés, Falloux, Lacordaire, Lammenais, Montalembert, s'opposèrent au vote de la loi. En vain... Le 18 juillet Guizot envoyait le texte de la loi accompagné d'une lettre à 39000 maîtres d'école.
Lettre d'envoi de la loi du 28 juin 1833 à 39000 maîtres d'école

"La liberté n'est assurée et régulière que chez un peuple assez éclairé pour écouter en toute circonstance la voix de la raison (...) Vous n'ignorez pas qu'en vous confiant un enfant, chaque famille vous demande de lui rendre un honnête homme et le pays un bon citoyen. Vous le savez: les vertus ne suivent pas toujours les lumières, et les leçons que reçoit l'enfance pourraient lui devenir funestes si elles ne s'adressaient qu'à son intelligence. Que l'instituteur ne craigne donc pas d'entreprendre sur les droits des familles en donnant ses premiers soins à la culture intérieure de l'âme de ses élèves. Autant il doit se garder d'ouvrir son école à l'esprit de secte ou de parti, et de nourrir les enfants dans des doctrines religieuses ou politiques qui les mettent pour ainsi dire en révolte contre l'autorité des conseils domestiques, autant il doit s'élever au-dessus des querelles passagères qui agitent la société pour s'appliquer sans cesse à propager, à affermir ces principes impérissables de morale et de raison sans lesquels l'ordre universel est en péril et à jeter profondément dans de jeunes coeurs ces semences de vertu et d'honneur que les passions n'étouffent point".

La seconde République ou les illusions perdues
Hippolyte Carnot accède au ministère de l'instruction publique en 1848. Il désire épauler le suffrage universel (37% des conscrits sont alors illettrés) par le développement d'un enseignement élémentaire global, intégralement gratuit, impérativement obligatoire et rigoureusement laïque. Il faut donc multiplier les écoles et valoriser les maîtres: ils seront payés par l'Etat. Mais le 5 juillet 1848 Carnot doit s'effacer...
1850, la loi Falloux
En 1850, la loi Falloux, même si elle précise l’existence "d’écoles publiques " aux côtés "d’ écoles libres ", consacre l’emprise du clergé sur toutes les écoles par son contrôle permanent pour veiller à l’enseignement de la première discipline : l’instruction morale et religieuse. Par cette loi des ecclésiastiques sont placés à tous les échelons de l'administration scolaire ce qui renforce le contrôle de l'église sur l'enseignement.

Les lois Ferry de 1881 et 1882
Jusqu'à ces lois l'enseignement primaire était encore principalement assuré par l'église catholique. Pour les républicains, l'école publique laïque est la condition indispensable à la formation de citoyens éclairés. Les lois scolaires touchent d'abord l'enseignement destiné aux filles.
En 1879, chaque département doit se doter d'une école normale d'institutrices. Puis se sont des collèges et des lycées de filles qui sont créés (1880- loi Camille Sée).
En 1881 et 1882, Jules Ferry, alors ministre de l'instruction publique modifie profondément l'enseignement primaire :
- l'instruction primaire est rendu obligatoire pour les garçons et les filles de 6 à 13 ans.
- les lois instituent gratuité et laïcité de l'école publique avec la laïcité des locaux et des programmes scolaires, le remplacement de l'instruction religieuse par l'instruction morale et civique, la vacance des écoles un jour par semaine.
lettre de Ferry aux instituteurs (1883)
En 1886, les personnels de l'enseignement seront laïcisés ainsi que l'enseignement secondaire.
1905, La laïcisation de la société française se renforce avec la loi de séparation de l'église et de l'état. Le 9 décembre 1905, une loi mettra fin au Concordat et instaurera la séparation des Églises et de l’Etat. La République assure depuis " la liberté de conscience ", " le libre exercice des cultes " et " ne reconnaît ni ne salarie aucun culte ". L’école est au coeur du dispositif laïque, même si la République n’a jamais cherché à supprimer l’école privée.
1905
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"La séparation de l'église et de l'état" anonyme
Musée Jean Jaurès - Castres

1940-1944 Le gouvernement de Vichy signe une série de mesures contre les défenseurs de l’école publique.
3 septembre 1940 Abrogation de la loi interdisant aux congréganistes d’enseigner.
18 septembre 1940
Le gouvernement supprime les écoles normales d’instituteurs, trop républicaines.  15 octobre 1940
Suppression des syndicats enseignants. 6 décembre 1940
Les devoirs envers Dieu sont rétablis dans les programmes primaires. 2 novembre 1941
Une subvention de quatre cent millions de francs au profit des écoles privées est inscrite au budget du ministère de l’Intérieur et mandatée par les préfets aux évêques. 17 avril 1945
Une ordonnance du général De Gaulle abroge la législation scolaire de Vichy.
La loi Debré de 1959 permet le financement de l'école privée par l’Etat.
La laïcité scolaire ne concerne pourtant pas que la religion. La devise de Ferry : "l’instituteur à l’école, le maire à la mairie et le prêtre à l’église " souligne la nécessaire séparation de l’école d’avec les Églises, mais aussi d’avec la société, ses groupes, ses partis et ses entreprises, et d’avec l’Etat et ses pouvoirs locaux. L’enjeu est bien affirmé, depuis cent ans, que l’école doit permettre aux élèves de devenir des citoyens autonomes, critiques, capables d’échapper à leurs déterminismes. Elle doit dans le même temps relever le défi de conjuguer cette exigence avec celle de les accueillir dans leur diversité. Cela a un peu à voir avec la réussite de toutes et tous, non ?



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